Faculté de théologie catholique Université de Strasbourg

L-S3 UE1

Christologie dogmatique

Fascicule de M. Raymond Winling Cours sur place de M. Sébastien Milazzo

Table des matières

  1. ​D'EPHÈSE À CHALCÉDOINE 4

    1. ​Évolution des discussions et luttes doctrinales 4

      1. ​Proclus de Constantinople (434-446) 4

      2. ​Eutychès 5

      3. ​Intervention de Théodoret de Cyr (de l'école d'Antioche) 5

      4. ​Intervention du Patriarche Flavien et du Pape saint Léon 5

      5. ​Le Tome à Flavien (13 juin 449) 6

    2. ​Le brigandage d'Éphèse 7

  2. ​LE CONCILE DE CHALCÉDOINE 7

    1. ​Circonstances historiques 7

    2. ​La définition de Chalcédoine 8

      1. ​Remarques préalables 9

      2. ​Préambule à la définition proprement dite (Présentation analytique des principaux éléments) 9

      3. ​Remarques sur la structuration grammaticale et logique 10

      4. ​Portée théologique 12

    3. Valeur permanente et limite de la définition de Chalcédoine 14

  3. ​LE IIe CONCILE DE CONSTANTINOPLE (553) 16

  4. ​IIIe CONCILE DE CONSTANTINOPLE (7 NOV. 680 - 16 SEPT. 681) 17

    1. ​Circonstances 17

    2. ​Le Concile de Constantinople III 18

    3. ​Portée théologique du Concile de Constantinople III 19

  5. ​DÉVELOPPEMENTS DE LA THÉOLOGIE DE L'ESPRIT : LA QUESTION DU FILIOQUE 20

    1. ​Jalons de l'évolution 20

      1. ​Deux tendances 20

      2. Addition du Filioque en Espagne 20

      3. ​Usage du symbole avec l'addition 21

      4. ​Polémique avec le Patriarche Photius 21

      5. Tentative d'accord : Le concile de Florence (1439) 22 Conclusion 22

        1. ​La question fondamentale 22

        2. ​Esquisse d'une réponse 23

          1. ​Du côté de Dieu 23

          2. ​Du côté de l'homme 24

          3. ​La catégorie de filiation 24

          4. ​Corollaires 25

Documents 26

  1. ​LETTRE DU PAPE LÉON À FLAVIEN, ÉVÊQUE DE CONSTANTINOPLE (TOME À FLAVIEN) - EXTRAITS (Doc.

1) 26

  1. ​LA PROFESSION DE FOI DU CONCILE DE CHALCÉDOINE, Ve session - 22 octobre 451 (Doc. 2) 29

Préambule 29

Définition 30

Sanctions 31

  1. ​IIe CONCILE DE CONSTANTINOPLE (Doc. 3) 31

Canons 31

Indications bibliographiques 32

Sources 32

Études 32 Avertissement

Le présent fascicule intitulé Christologie dogmatique reprend en partie le fascicule intitulé Le développement des doctrines christologiques et trinitaires 2 dont l'auteur est M. Raymond Winling, ancien Professeur de théologie systématique au sein de notre Faculté. Il se compose de quatre études : Le concile de Chalcédoine ; Les IIe et IIIe conciles de Constantinople ; La question de Filioque.

Le cours est complété par une étude bibliographique ainsi que par une partie consacrée à la christologie chez Thomas d'Aquin disponible sur la plateforme Moodle.

Notre cours n'est pas seulement linéaire au sens d'une chronologie des doctrines : il est aussi problématique. Ainsi, nous attachons-nous à poser la question de la genèse et du devenir d'une doctrine des deux natures dans le Christ : comment penser cet article de foi, dont la formulation chalcédonienne, a été, et demeure aujourd'hui encore, l'apex dogmatique ? Comment penser le Christ et en sa nature pleinement divine et en sa nature pleinement humaine au sein de la même personne et hypostase ? Telle sera l'orientation problématique de ce cours qui cherche à analyser dans le cadre d'une

formation initiale la genèse et les retombées de la définition christologique chalcédonienne jusqu'à sa réception chez Thomas

d'Aquin.

D'EPHÈSE À CHALCÉDOINE

Par le symbole d'union de 433, la concorde était officiellement rétablie entre les grands patriarcats. Mais les discussions n'en continuèrent pas moins. Vers le milieu du Ve siècle, la tension était de nouveau à son comble au point qu'un nouveau concile fut convoqué.

Évolution des discussions et luttes doctrinales

Proclus de Constantinople (434-446)

PROCLUS faisait partie du groupe des adversaires de NESTORIUS et ne se gênait pas de parler de la Theotokos en présence de Nestorius, à l'époque où celui-ci était encore patriarche. Cependant, il avait à cœur de chercher un moyen terme entre la théologie alexandrine et la théologie antiochienne. Dès 435, dans une homélie, il déclara : "Il y a seulement un Fils, car les natures ne sont pas divisées en deux hypostases, mais l'économie grandiose du salut a uni les deux natures en une

hypostase".

Lorsqu'il devint patriarche de Constantinople en 434, PROCLUS dut intervenir dans une querelle qui opposait les autorités de l'Église arménienne à Théodore de Mopsueste. Proclus écrivit le "Tome aux Arméniens" dans lequel il proposa une doctrine modérée : il utilisa couramment le mot "hypostasis" au sens de "prosôpon" et, s'inspirant de Cyrille d'Alexandrie, il proposa la formule "mia hypostasis tou Theou Logou sesarkômené" - "Une seule hypostase du Verbe de Dieu qui s'est faite chair" (au lieu de "mia physis tou Theou Logou sesarkômené", comme le dit Cyrille).

Eutychès

Archimandrite des moines de Constantinople, d'opinion cyrillienne, Eutychès répudia le symbole d'union de 433. Moine pieux, Eutychès s'était fixé comme tâche de réagir contre le nestorianisme et il se fit le héraut de la christologie alexandrine. Mais, dans l'excès de son zèle, il déforma les thèses cyrilliennes.

Pour dénoncer l'erreur de NESTORIUS qui insistait sur la séparation des deux natures et sur la juxtaposition de l'humanité et de la divinité, EUTYCHÈS insista sur l'union au point que, selon lui, il y aurait eu mélange et confusion du divin et de l'humain dans le Christ. Appliquant le principe de la communication des idiomes au niveau des natures et non au niveau de la personne, il estimait que le fait de parler de "deux physeis" = "deux natures" consistait à diviser le Christ. Il ne retint qu'une seule "physis" (monophysisme). Selon lui, l'union se fait "ek duo physeôn" (à partir de deux natures) et non "en duo

physesin" (en deux natures). Après l'union, estime-t-il, il n'y a plus qu'une seule nature, la nature divine : la nature humaine se trouve alors transmuée, dissoute dans la nature divine. Pour mieux faire saisir sa pensée, EUTYCHÈS utilisa les comparaisons suivantes : après l'union, la nature humaine est semblable à la goutte d'eau perdue dans la mer ou bien elle est semblable au fer qui est passé par le feu (en ce sens que le fer passé par le feu acquiert de nouvelles propriétés).

Intervention de Théodoret de Cyr (de l'école d'Antioche)

Pour réagir contre Eutychès, THÉODORET DE CYR publia l'Eranistès, traité christologique présenté sous forme de dialogue. L'auteur essaya de montrer qu'en Jésus-Christ les deux natures ne se sont pas confondues au moment de l'union, sinon il serait impossible de rendre compte des passages du N.T. qui insistent sur les souffrances de Jésus. La démonstration s'appuie sur de nombreuses citations patristiques. Les partisans d'EUTYCHÈS comprirent que THÉODORET était l'un des adversaires à abattre. Aussi DIOSCORE, patriarche d'Alexandrie et neveu de CYRILLE D'ALEXANDRIE, exigea-t-il du patriarche d'Antioche la destitution de THÉODORET.

Intervention du Patriarche Flavien et du Pape saint Léon

FLAVIEN, patriarche de Constantinople, convoqua, en novembre 448, le synode permanent (synodos endemousa). Après des tergiversations, EUTYCHÈS accepta de comparaître : tout d'abord il protesta de son orthodoxie, mais pressé par les évêques membres de ce synode, il finit par préciser sa pensée.

À la déclaration faite par FLAVIEN : "Nous reconnaissons que le Christ est de deux natures après l'incarnation en une seule

hypostase et une seule personne, confessant un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur", EUTYCHÈS opposa la déclaration suivante : "J'admets que le Seigneur était de deux natures avant l'union, mais après l'union je ne reconnais qu'une seule nature".

Flavien mit le Pape SAINT LÉON au courant du procès intenté à Eutychès et lui transmit les actes dudit procès. EUTYCHÈS, de son côté, fort de l'appui de l'empereur et de DIOSCORE, patriarche d'Alexandrie, fit appel à Rome et envoya une lettre aux autres patriarches. L'empereur lui-même intervint, en faveur d'EUTYCHÈS, auprès du Pape.

Le Tome à Flavien (13 juin 449)

Cf Doc 1.

Après avoir écrit une série de lettres à l'empereur, le Pape LÉON Ier envoya une délégation à Constantinople (l'évêque Jules de Pitéole, le prêtre Renatus (qui mourut en cours de route) et le diacre Hilaire (futur Pape). Cette délégation était porteuse d'une lettre du Pape au Patriarche Flavien : c'est le Tomus ad Flavianum - le Tome à Flavien - qui est un exposé détaillé de la doctrine christologique de LÉON Ier (PROSPER D'AQUITAINE qui a contribué à sa rédaction a repris de nombreux textes tirés des homélies du Pape). Voici un bref résumé de ce texte qui fera autorité au Concile de Chalcédoine.

- Première Partie

LÉON dénonce le mépris d'EUTYCHÈS pour l'Écriture et le symbole de foi. Il note que par les articles "Je crois en un seul Dieu, Père tout puissant et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie" presque toutes les affirmations hérétiques sont détruites.

L'origine des deux natures y est également exposée. Le "seul et même", né de toute éternité du Père, est aussi né de la Vierge Marie par l'opération du Saint-Esprit. Il y a donc deux naissances : Léon établit même une relation entre "nativitas" et

"natura" : deux naissances, donc deux natures. Dieu devait naître dans la nature humaine de façon à détruire la mort. La nature humaine du Christ ne pouvait être vaincue par le péché et la mort, car elle avait été élevée au-dessus du péché par la vertu de sa naissance virginale à la suite de l'opération du Saint-Esprit.

À défaut d'une juste compréhension du symbole, EUTYCHÈS aurait dû au moins scruter l'Écriture et retenir que la naissance virginale, pour miraculeuse qu'elle fût, n'en est pas moins réellement humaine.

Deuxième Partie : la coexistence des deux natures en une seule personne

Chacune des deux natures conserve ses propriétés. Léon insiste sur le fait que Jésus-Christ est et reste vraiment Dieu et que la nature humaine qu'il assume est pleine et entière. Cette distinction des natures avec leur intégrité est la condition de notre salut : Jésus-Christ doit être mortel pour pouvoir partager notre mort, mais il doit aussi être la vie éternelle pour pouvoir vaincre cette mort. Avec Irénée et Athanase, LÉON est l'un des représentants de la "théorie physique de la rédemption" de la théorie qui voit les fondements de la rédemption déjà posés dans l'être du Christ et pas seulement dans ses actes. L'être du Christ représente déjà l'homme racheté. LÉON illustre aussi le principe : "Quod non assumptum, non est sanatum" - "Ce qui n'a pas été assumé, n'est pas guéri (sauvé)". Ces deux natures se rencontrent dans une seule et même personne sans qu'il y ait diminution ou altération de l'une ou de l'autre et sans qu'il y ait deux personnes. Les deux natures sont unies dans la personne du Verbe : celui qui devient homme est le Fils du Père qui existe de toute éternité et est donc préexistant en tant que personne.

Troisième partie : Comment comprendre l'activité des deux natures ?

À la différence des Alexandrins qui insistent sur l'unité de l'œuvre divino-humaine du Christ, Léon insiste sur les activités propres à chaque nature. Ainsi il est amené à distinguer une volonté humaine et une volonté divine en Jésus-Christ. Mais il marque aussi l'unité des deux modes d'action : chaque nature fait ce qui lui est propre, mais c'est en communion avec l'autre. Cette communion est réalisée par l'unité de personne en laquelle l'humanité reçoit du Verbe la qualité d'être une personne : c'est ce qu'on appellera la subsistance dans le langage postérieur.

La communication des idiomes découle de l'union des deux natures dans une seule personne. "En conséquence, en raison de cette unité de personne en deux natures, nous lisons que le 'Fils de l'homme est descendu du Ciel' (Jn 3, 13), quoique ce soit le Fils de Dieu qui a pris chair de la Vierge dont il est né. De même nous lisons que le Fils de Dieu a été crucifié et a été

enseveli, bien qu'il n'ait pas souffert dans sa divinité selon laquelle il est Fils unique du Père, coéternel et consubstantiel,

mais seulement dans l'infirmité de la nature humaine".

Le brigandage d'Éphèse

Sur le conseil d'EUTYCHÈS, l'empereur convoqua, pour le mois d'août 449, un concile qui devait se tenir à Éphèse. LÉON envoya une délégation. Le concile débuta le 8 août 449 et les affaires furent prises en main par DIOSCORE qui pouvait compter sur l'empereur et sur la force de police impériale d'une part, sur un groupe de moines favorables à Eutychès et sur une escorte de gardes du corps d'autre part. Le Tome à Flavien du Pape Léon ne put même pas être lu. Alors qu'EUTYCHÈS put faire en toute liberté une présentation fort tendancieuse du synode qui l'avait condamné, l'autre partie n'eut pratiquement pas l'occasion de faire valoir son point de vue. EUTYCHÈS fut réhabilité, FLAVIEN destitué, THÉODORET banni. Les légats du Pape et d'autres protestèrent. DIOSCORE fit appel aux soldats, moines et hommes de main pour imposer sa volonté.

À la suite de la destitution des trois représentants les plus marquants des Antiochiens, l'union de 433 était annulée et la tendance monophysite alexandrine semblait définitivement consacrée. Lorsque le Pape Léon fut mis au courant de ce qui s'était passé, il déclara que l'on avait assisté non pas à un "judicium", mais à un "latrocinium" (brigandage). C'est sous le nom de "brigandage d'Éphèse" que le concile est désigné couramment.

LE CONCILE DE CHALCÉDOINE

Circonstances historiques

Flavien en appela immédiatement au Pape Léon. À l'occasion d'un concile local réuni à Rome, le Pape fit condamner les décisions d'Éphèse (septembre 449). De plus, il adressa plusieurs lettres à l'empereur, au clergé de Constantinople, aux moines favorables à Flavien. Il demanda instamment à l'empereur de faire annuler les décisions d'Éphèse et proposa la convocation d'un concile qui devrait se tenir en Italie pour rétablir la communion de foi. Mais l'empereur Théodose II opposa un refus catégorique.

Le 28 juillet 450, un revirement inattendu se produisit. Théodose II mourut à la suite d'un accident. Sa sœur Pulchérie recueillit la succession et après avoir épousé Marcien, qui fut proclamé empereur en août 450, elle fit rappeler de leur exil les évêques déposés à Éphèse et obtint le ralliement de bien des membres du concile d'Éphèse qui prirent leurs distances par rapport à Dioscore d'Alexandrie.

Marcien prit l'initiative de convoquer un concile général, en vue de trancher certaines questions relatives à l'Incarnation. Le Pape Léon accepta le concile projeté, mais dans une lettre adressée à l'empereur, il exigeait que des mesures efficaces fussent prises pour éviter l'intervention d'hommes de main et de moines partisans, et que les légats du Pape présidassent les sessions synodales. Dans une lettre aux évêques convoqués pour le synode, il demandait que les évêques condamnés à Éphèse fussent rétablis dans leurs droits et que pour les questions doctrinales relatives à l'Incarnation ils prissent en compte le Tome à Flavien.

Le Concile, qui devait se réunir à Nicée, se tint finalement à Chalcédoine. Il s'ouvrit le 8 octobre 451 et fut amené à se prononcer sur deux séries de questions.

Questions relatives aux personnes

Les évêques condamnés à Éphèse furent réhabilités ; les évêques qui avaient approuvé les mesures imposées par DIOSCORE firent valoir qu'ils avaient agi sous l'effet de la crainte ; DIOSCORE fut jugé par contumace et fut destitué de sa dignité d'évêque (3e session). (Canons). Le Concile adopta aussi quelques canons importants pour la discipline ecclésiastique.

Questions doctrinales : Deux natures, une personne

Au cours de la 2e session, les légats impériaux demandèrent, au nom de l'Empereur, que l'on s'occupât sans plus tarder, des questions doctrinales relatives à l'incarnation et que l'on se mît d'accord sur une définition. Les légats du Pape avaient des instructions pour ne pas laisser s'ouvrir un débat doctrinal et les Pères conciliaires partageaient cet avis. Ils faisaient valoir

que les symboles de Nicée et de Constantinople, les lettres de Cyrille à Nestorius et à Jean d'Antioche et le Tome à Flavien

du Pape Léon pouvaient suffire amplement.

Lors de la 4e session, une déclaration semblable fut faite et approuvée par voie de vote par tous les Pères conciliaires sauf 13 évêques égyptiens.

Au cours de réunions privées, des essais furent entrepris pour rédiger une formule qui pût recueillir l'assentiment des Pères appartenant aux différentes tendances : mais les légats du Pape s'opposèrent énergiquement à un texte qui ne tiendrait pas assez compte du Tome à Flavien.

Sur intervention de l'empereur, une commission de rédaction fut formée. Après avoir délibéré en secret, la commission proposa une nouvelle formule (au cours de la 5e session).

La définition de Chalcédoine

Vu l'importance exceptionnelle de la définition de Chalcédoine pour l'évolution ultérieure de la christologie, il convient d'en faire l'analyse en vue d'en mieux saisir la visée. À cette fin, on adoptera la démarche suivante.

Après quelques remarques préliminaires, on proposera deux présentations du texte : la première est destinée à faire comprendre la structuration logique du texte, la deuxième offre un système commode de référence et fournit des indications sur certaines sources. Ensuite on trouvera un commentaire concernant les procédés littéraires mis en œuvre et la portée théologique de cette définition.

Remarques préalables

Tradition manuscrite des textes grec et latin. Pour la tradition du texte, on relève une variante significative. Les manuscrits grecs portent le plus souvent "ek duo physeôn", alors que les manuscrits latins, depuis le VIe siècle, portent "in duabus

natures". La critique textuelle menée par un érudit comme Schwartz pour l'établissement de son édition des Acta

Conciliorum Oecumenicorum a permis de repérer des citations d'auteurs grecs anciens qui attestent la lecture "en duo physesin". D'ailleurs les discussions du Concile de Chalcédoine supposent cette lecture.

Préambule à la définition proprement dite (Présentation analytique des principaux éléments)

Voir Doc. 2.

Les adversaires visés sont :

Présentation de la définition de Chalcédoine et comparaison avec les sources antérieures :

"En suivant donc les saints Pères, nous enseignons tous unanimement à confesser un seul et même Fils notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait selon la divinité, et le même parfait selon l'humanité, vraiment Dieu et le même vraiment homme, composé d'une âme raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à

nous selon l'humanité, en tout semblable à nous hormis le péché, engendré du Père avant tous les siècles selon la divinité, le même à la fin des temps, pour nous et pour notre salut (engendré) de la Vierge Marie, Theotokos, selon l'humanité, un seul et même Christ, Fils, Seigneur, monogène, reconnu en deux natures, sans confusion ni changement, sans division ni séparation, la différence des natures n'étant nullement supprimée par l'union, mais au contraire les propriétés de chacune

des deux natures restant sauves et se rencontrant en une seule personne et une seule hypostase, non pas partagé et divisé en deux personnes (prosôpa), mais un seul et même Fils, Monogène, Dieu, Verbe, Seigneur Jésus Christ, comme autrefois les

prophètes l'ont dit de lui, comme Jésus Christ lui-même nous en a instruits, et comme le Symbole des Pères nous l'a transmis."

Texte :
  1. Suivant donc les saints Pères

  2. nous enseignons tous unanimement

  3. à confesser

  4. un seul et même Fils notre Seigneur Jésus-Christ

  5. a. le même parfait selon la divinité b. le même parfait selon l'humanité

  6. a. vraiment Dieu b. et le même vraiment homme c. composé d'une âme raisonnable et d'un corps

  7. a. consubstantiel au Père selon la divinité b. et le même consubstantiel à nous selon l'humanité c. en tout semblable à nous hormis le péché

  8. a. engendré du Père avant tous les siècles selon la divinité b. le même, à la fin des temps, pour nous et pour notre salut [engendré] de la Vierge Marie, Theotokos, selon l'humanité

  9. un seul et même Christ, Fils, Seigneur, Monogène

  10. reconnu en deux natures

  11. a. sans confusion ni changement b. sans division ni séparation

  12. la différence des deux natures n'étant nullement supprimée par l'union

  13. mais au contraire les propriétés de chacune des deux natures restant sauves

  14. et se rencontrant en une seule personne et une seule hypostase

  15. non pas partagé et divisé en deux personnes (prosôpa)

  16. mais un seul et même Fils, Monogène, Dieu, Verbe, Seigneur Jésus-Christ

  17. a. comme autrefois les prophètes l'ont dit de lui b. comme Jésus-Christ lui-même nous en a instruits c. et comme le symbole des Pères nous l'a transmis

Références à la tradition antérieure et sources :

Tradition antérieure : Nicée-Constantinople

3-5. Symbole d'union 433 (Jean d'Antioche) approuvé par Cyrille d'Alexandrie 6.a.b. Tome à Flavien 6.c. symbole d'union- Pape Damase 7.a.b. Symbole d'union 7.c. Rappel d'He 4,25 8.a. Symbole de Nicée-Constantinople 8.b. Symbole de Nicée- Constantinople. Theotokos = Éphèse 9. cf 4 et 16 10. Tome à Flavien 12. 2e lettre de Cyrille à Nestorius 13. Tome à Flavien

14. Flavien de Constantinople 15. Théodoret de Cyr 16. cf 4 et 9 17.c. symbole de Nicée-Constantinople

Remarques sur la structuration grammaticale et logique

  1. En grec et en latin, la définition proprement dite se présente comme une longue période introduite par le verbe "nous enseignons" suivi d'un infinitif "homologein" (confesser) dont dépend un complément d'objet direct (à l'accusatif) avec

lequel s'accordent, sous forme d'épithètes ou d'appositions, des adjectifs, des noms, des participes. De cette façon se trouve souligné le fait que toutes les distinctions établies et toutes les précisions apportées concernent le seul et même Jésus-Christ, (même sujet grammatical et ontologique). Cela est d'autant plus manifeste que tous les mots-clés qui commandent la progression sont à l'accusatif par accord avec le complément d'objet direct.

  1. À l'intérieur de cette longue période, il convient de distinguer deux mouvements correspondant chacun à un moment logique : d'abord on met l'accent sur la dualité des natures en insistant sur la différence dans l'unité, ensuite l'accent est mis sur l'unité malgré la différence.

  2. Pour rendre compte de la dualité des natures, le texte a recours à des procédés divers :

  3. Pour rendre compte de l'unité résultant de l'union hypostatique, le texte a recours aux moyens littéraires suivants :

Tout cela prouve que le discours est construit en fonction de l'unité du Christ. C'est dans le cadre de cette unité qu'est posée la distinction et qu'est affirmée la dualité des natures.

Portée théologique

Intention de rester fidèle à la Tradition

Les Pères de Chalcédoine "suivent" une tradition : la définition conciliaire est inscrite dans une inclusion qui mentionne de façon claire les Pères qui ont été amenés à proposer une explication du mystère du Christ qui engage la foi. Mais au-delà des Pères, le deuxième membre de l'inclusion renvoie à Jésus-Christ, car, est-il précisé, "Jésus-Christ nous a instruits", les Pères ont "transmis" cet enseignement.

La critique interne du texte prouve que la définition reprend effectivement des formulations léguées par la tradition

antérieure. En filigrane court une partie des symboles de Nicée et de Constantinople = "vrai Dieu et vrai homme", "consubstantiel au Père", "engendré du Père avant tous les siècles". D'autre part, on a emprunté des passages entiers à la Lettre d'union entre Jean d'Antioche et Cyrille d'Alexandrie (433), au Tome du Pape Léon à Flavien. Enfin, certaines tournures et certaines formulations peuvent revendiquer une haute antiquité : par ex. l'expression "un seul et le même" se trouve couramment chez Irénée, le "vraiment homme, vraiment Dieu" est familier aux Pères du IIe siècle, la présentation partant de l'unité, passant par l'antithèse Dieu-homme pour souligner la dualité et se terminant par le rappel de l'unité de celui qui est à la fois Dieu et homme est un procédé que l'on trouve chez Ignace d'Antioche.

Il est possible de remonter encore plus haut. En effet, la définition utilise trois fois, avec de légères variantes, une expression qui provient apparemment des confessions de foi "un seul [et même] Fils, notre Seigneur Jésus-Christ". En fait il s'agit de titres d'origine biblique. D'ailleurs les actes du concile de Chalcédoine et des documents comme le Tome à Flavien prouvent que la réflexion qui a abouti à la définition se fonde souvent sur l'Écriture. Si l'on se contente de la seule définition pour porter un jugement sur Chalcédoine, un aspect essentiel des préoccupations des Pères conciliaires est occulté et le jugement risque d'être faussé. La lecture, par ex., du Tome à Flavien révèle le souci constant de se référer à l'Écriture.

Réalité de l'humanité

Contre Eutychès et les monophysites, il fallait insister sur le fait que la réalité de l'humanité est maintenue. De façon plus conséquente que la formule d'union (433), la définition de Chalcédoine donne des précisions sur l'humanité. Pour ce qui est de l'humanité, le texte utilise des formules parallèles à celles qui servent à définir la divinité. Jésus est vraiment homme comme il est vraiment Dieu. Cela signifie qu'il a un corps et une âme raisonnable et non pas un corps apparent comme l'enseignaient les docètes ni une âme sans "nous" comme le prétendait Apollinaire. L'humanité assumée par le Verbe n'est pas tronquée si bien que Jésus-Christ est "consubstantiel" à nous selon l'humanité. L'emploi de ce terme appliqué d'abord à la divinité du Christ écarte toute idée de confusion et de mélange entre les deux natures et souligne à sa façon que l'humanité du Christ reste pleine et entière, même si l'on mentionne une exception au fait que le Christ nous est semblable : à savoir le péché.

Dans la 2e partie se manifeste l'intention de préciser la nature de la dualité maintenue même après l'union : la nature humaine garde ses propriétés ; il n'y a ni confusion avec la nature divine ni mélange avec elle, au point que la nature humaine disparaîtrait.

Rapports entre le Christ et nous quant à l'humanité

Le parallèle entre la divinité et l'humanité du Christ reçoit une sorte de complément, moins marqué, suggérant un parallèle entre le Christ et nous. En effet, en ce qui concerne l'humanité, le texte apporte des notations qui situent le Christ par rapport à nous. Le "vraiment homme" est suivi d'une note explicative "d'une âme raisonnable et d'un corps" : on peut sous-entendre "comme nous". Le "consubstantiel à nous" est suivi d'un membre explicatif "semblable à nous" qui marque la ressemblance et de "hormis le péché" : exception qui marque une différence sans que la nature humaine soit diminuée. La différence est encore plus marquée pour le groupe suivant : alors que le texte porte "engendré du Père selon la divinité", le terme

"engendré" ne se retrouve pas pour parler de la naissance humaine du Christ. L'origine humaine est indiquée par la préposition "ek" sans mention explicite de l'opération du Saint-Esprit. C'est faire comprendre de façon discrète qu'entre la naissance humaine de Jésus et la nôtre existe une différence fondamentale : Jésus est né d'une Vierge, Mère de Dieu, parce qu'elle a donné naissance à celui qui n'a pas perdu sa divinité en s'incarnant. Dans les deux cas c'est Dieu qui est le Père et Jésus-Christ est, au sens plein, Fils du Dieu.

La réalité de la divinité

Le Concile de Chalcédoine affirme sous forme de rappel la pleine divinité du Christ. C'est que la divinité en elle-même n'est pas en cause comme c'était le cas à l'époque d'Arius. Aussi la formule se contente-t-elle de donner des citations implicites du symbole de Nicée repris par le symbole de Constantinople. La question propre à Chalcédoine est celle des relations entre la divinité et l'humanité dans le cas de l'union hypostatique.

L'union selon l'hypostase

Les actes du Concile de Chalcédoine prouvent que les Pères avaient à cœur d'écarter toute interprétation capable de favoriser les thèses de Nestorius et toute interprétation allant dans le sens d'Eutychès. Cependant des difficultés se présentèrent, car en fait on restait très sensible aux dangers du nestorianisme. C'est ainsi qu'au gré de certains, l'une ou l'autre formule du Tome à Flavien sur la différence maintenue entre les natures comportait le danger de la division en deux personnes. Il fallut les

explications des légats du Pape et la comparaison entre des passages parallèles du Tome à Flavien et des Lettres de Cyrille

pour rallier les hésitants.

Quoi qu'il en soit, la définition de Chalcédoine propose une explication et un essai de formulation. L'explication, c'est que l'unité dans le Christ ne se situe pas au niveau des natures, mais au niveau de la personne. Il n'y a pas d'union physique au sens où il y aurait confusion des natures ou absorption d'une nature par l'autre. Il n'y a pas non plus de juxtaposition au point qu'il y aurait une sorte d'union morale entre deux êtres subsistants complets. Bien plutôt, les propriétés maintenues de chaque nature "concourent" et se rencontrent dans une seule hypostase et une seule personne : c'est donc l'hypostase qui est le facteur d'intégration.

La formulation retenue par les Pères conciliaires se caractérise par l'utilisation d'un langage conceptuel tournant autour des mots-clés nature-hypostase-personne. Par rapport à la tradition antérieure avec ses hésitations entre "ousia"-"physis"-

"hypostasis"-"prosôpon", le langage de Chalcédoine lève l'équivoque à propos de "physis". Alors que pour le Cyrille des anathématismes "physis" avait le sens de "être concret, sujet subsistant concret" et correspondait pratiquement à hypostasis,

Chalcédoine donne à physis le sens de "principe d'opération, principe concret". En opposant par ailleurs "physis" à

"hypostasis" le concile adopte un système d'opposition (cf. contexte) qui lève l'équivoque (système de l'antonymie).

D'autre part, pour bien préciser le sens de "prosôpon" qui pouvait paraître trop faible au gré de certains qui comprenaient par là "visage, personnage", le concile propose l'équivalence entre "prosôpon" et "hypostasis" (sujet subsistant concret, réalité personnelle subsistante). Ainsi le doute est levé par un jeu de synonymie.

En fait on applique en christologie le langage mis au point par les Cappadociens pour la Trinité.

La dimension sotériologique

La définition de Chalcédoine reprend des symboles de Nicée et de Constantinople l'affirmation "pour nous et notre salut". À première vue, la formule est d'une sécheresse déroutante. Mais quand on tient compte des discussions des Pères conciliaires, des documents dont ils s'inspirent, on comprend mieux la portée de ce rappel. C'est au prix de la réalité des deux natures dans l'unité selon l'hypostase, c'est au prix de la double solidarité avec Dieu et avec l'homme que le Christ Médiateur peut assurer effectivement le salut de tout l'homme. L'humanité est assumée par le Verbe et comme l'union se fait au niveau de l'hypostase, l'humanité entre dans la sphère de la subsistence divine : en la personne du Logos qui assume la nature humaine, Dieu est présent parmi les hommes (Emmanuel). Par le fait que le seul et même Jésus-Christ est consubstantiel à Dieu selon la divinité et consubstantiel à nous selon l'humanité, nous sommes réellement associés à l'humanité du Christ, nous participons à sa dignité filiale, nous entrons en communion avec la divinité.

Valeur permanente et limite de la définition de Chalcédoine

Bien des bilans critiques ont été établis au sujet de la définition de Chalcédoine : ils sont loin d'être entièrement négatifs. Les reproches pourraient être regroupés de la façon suivante :

  1. Le langage conceptuel de Chalcédoine pèche par inadéquation. Des termes comme "nature" et "hypostase" sont trop flous pour correspondre vraiment à des concepts. Provenant du monde hellénistique, ils ont un contenu sémantique équivoque : la meilleure preuve en est que, pendant la période antérieure à Chalcédoine, il y a eu flottement et que finalement ces termes et d'autres ont été utilisés en vertu d'une convention.

  2. Dans un même texte, le Concile applique de manière apparemment univoque les termes de "nature" et de

"consubstantiel" à deux ordres de grandeur aussi incommensurables que ceux de la divinité et de l'humanité.

  1. Vu les conceptions grecques au sujet de l'immutabilité et de l'impassibilité de Dieu, il s'avère difficile de rendre réellement compte de l'unité personnelle des deux natures en Jésus-Christ en sauvegardant l'autonomie humaine du Christ.

  2. Chalcédoine méconnaît la dimension historique. En vertu de la christologie d'en haut qui a présidé à l'élaboration de la formulation, la définition de Chalcédoine ne fait pas assez ressortir la place du Christ dans l'histoire du salut ni la signification sotériologique de l'événement Jésus-Christ.

  3. Certains prétendent que l'influence de la théologie latine a été trop grande et qu'il aurait fallu mieux tenir compte de la théologie alexandrine.

  4. L'évolution consécutive à Chalcédoine prouve que la définition trop statique de ce Concile contenait en germe des

éléments de discussion sources de nouvelles difficultés.

Les aspects positifs relevés et les réponses à certaines objections critiques pourraient être résumés de la manière suivante :

  1. À Chalcédoine, l'Église a proclamé sa foi en fonction des difficultés du moment. Le Concile a posé des jalons pour baliser le champ de l'orthodoxie et a proposé une christologie destinée à préserver la foi chrétienne d'erreurs qui risquaient de la dénaturer.

  2. La définition de Chalcédoine est un bien commun à l'orthodoxie, aux Églises issues de la Réforme et à l'Église catholique.

  3. Les actes du concile prouvent à l'évidence que les Pères conciliaires ont eu à cœur de rester fidèles à la tradition antérieure et à l'Écriture. Le fait de se référer à la seule définition de Chalcédoine donne une idée fausse de la démarche des Pères conciliaires.

  4. L'influence des légats romains a été décisive sur plusieurs points, mais il serait faux de dire que la théologie du Pape Léon le Grand l'a emporté sur celle de Cyrille d'Alexandrie et que par là c'est la théologie de type antiochien qui a pris sa revanche sur la théologie alexandrine. En fait, c'est la "moderatio" recommandée par le Pape qui l'a emporté, en ce sens que l'on a cherché une voie moyenne et une solution de conciliation entre les grandes tendances.

  5. L'analyse de la définition révèle que les emprunts faits aux documents rédigés ou approuvés par Cyrille sont matériellement plus importants que les emprunts faits au Tome à Flavien.

  6. L'influence du concile de Chalcédoine a été décisive. On peut regretter que dans la suite, l'Église ait fait appel à la définition en l'isolant du contexte. La définition, citée toute seule en référence, a fait écran au témoignage scripturaire et son caractère statique a empêché de tenir compte de la dimension dynamique de la christologie néo-testamentaire.

Au fond, on peut être d'accord avec K. RAHNER sur le continuel travail d'approfondissement auquel doit se livrer une christologie soucieuse de rendre toujours mieux compte du mystère du Christ. Il ne s'agit nullement de renoncer aux formules dogmatiques élaborées par l'Église ancienne. Mais il est vrai aussi que l'on ne saurait se contenter de répéter purement et simplement cette formule dont le langage n'est plus tout à fait adapté à notre temps. Un effort d'interprétation et d'évaluation s'impose, sans que l'on veuille pour autant évacuer cette définition : "Nous nous efforcerons toujours, dit K.

RAHNER, de nous éloigner (de la formule de Chalcédoine), non pour y renoncer, mais pour la comprendre, la comprendre

avec l'esprit et le cœur, pour nous rapprocher à travers elle, de l'ineffable Inapprochable, du Dieu sans nom, qui a voulu que nous le trouvions en Jésus, le Christ, et que nous le cherchions à travers lui. Nous reviendrons toujours à cette formule, car, pour exprimer brièvement ce que nous découvrons au sein de la rencontre ineffable - qui est notre salut -, il nous faudra

toujours revenir à la sobre simplicité et clarté de la définition de Chalcédoine. Mais y revenir réellement - ce qui est tout à fait autre chose que de la répéter tout simplement - n'est possible que si elle est pour nous non seulement une fin, mais aussi un commencement" ("Chalkedon - Ende oder Anfang ?", dans Das Konzil von Chalkedon, t. III).

LE IIe CONCILE DE CONSTANTINOPLE (553)

Cf. Doc. 3.

Chalcédoine ne mit pas fin aux querelles théologiques. En Orient, les nestoriens restaient influents, mais à la suite des fluctuations politico-militaires, ils sont finalement coupés de la sphère d'influence de Constantinople. En fait, ce sont les monophysites qui mènent la lutte contre Chalcédoine : leurs protagonistes sont avant tout des moines et l'influence de ces moines en Égypte et en Syrie est telle que le monophysisme devient pratiquement la religion populaire dans ces régions. En outre, le prestige de théologiens monophysites comme Sévère d'Antioche força les chalcédoniens à creuser la question de l'union des deux natures.

En raison du danger que faisait peser sur les différentes provinces la menace barbare, l'empereur Justinien avait formé le projet de réconcilier les différents partis. Après avoir organisé des conférences d'union (533) et réuni un concile local (536) après avoir fait venir à Constantinople le Pape Vigile, dont le séjour dans la capitale fut mouvementé, Justinien réunit un concile général en 553 (Ve Concile œcuménique).

Ce concile était destiné, d'une part, à réagir contre les excès des origénistes, fort influents à l'époque, et contre les nestoriens, et, d'autre part, à trouver un terrain d'entente avec les monophysites. L'apport de ce concile peut se résumer de la façon

suivante :

Ainsi le mot "hypostase" doit être entendu au sens "d'unité rigoureuse de subsistance" (canon 5). Quant à l'expression "en deux natures", elle signifie qu'il faut maintenir une différence entre la nature divine et la nature humaine, mais non pas pour les poser chacune comme "un subsistant à part" dans l'ordre existentiel comme s'il s'agissait d'une hypostase à part : la distinction est d'ordre logique et elle est faite au nom d'une considération conceptuelle (en theôria monè). C'est dire que si les deux natures sont différentes, elles n'ont cependant de réalité concrète que dans l'union et elles existent concrètement dans l'unité d'un être composé (unité "Kata synthesin" dans l'hypostase), l'homme-Dieu. Il ne faut donc pas présenter les natures comme deux grandeurs équivalentes que l'on pourrait additionner : sinon on a deux personnes (Canon 7).

  1. IIIe CONCILE DE CONSTANTINOPLE (7 NOV. 680

- 16 SEPT. 681)

Circonstances

Pour rallier les fractions monophysites toujours récalcitrantes, les patriarches Serge de Constantinople et Cyrus d'Alexandrie cherchaient à mettre l'accent sur ce qui est unité dans le Christ et ils en arrivèrent à parler d'une seule "action théandrique" dans le Christ (La formule vient du Pseudo-Denys). Par là on abondait dans le sens des monophysites et l'on prenait ses distances par rapport au Tome à Flavien du Pape Léon. Ce dernier avait en effet écrit que le "Verbe fait ce qui lui appartient et que la chair fait ce qui lui appartient en communion l'un avec l'autre". Mais cette formulation est ambiguë, car elle donne l'impression que, parallèlement au Verbe, la chair accomplit les actions humaines comme sujet propre et indépendant : la résistance des monophysites contre cette formule n'était donc pas sans fondement, car celle-ci pouvait donner lieu à une mauvaise interprétation de l'humanité de Jésus. Il fallait approfondir le rapport entre action divine et action humaine, entre volonté divine et volonté humaine.

Mais en parlant d'une "seule action théandrique", on employait aussi une expression équivoque : Le sens est juste quand on veut dire que le Christ n'exerce qu'un seul agir concret, auquel participent la divinité et l'humanité ; mais c'est faux, si on veut affirmer qu'il n'existe en lui qu'un seul principe d'activité, car c'est dire que la nature humaine n'est plus un principe d'activité et qu'elle est absorbée sous ce rapport par le principe d'activité divin. Cette erreur fut désignée sous le nom de monoénergisme : condamnée par SOPHRONIUS, patriarche de Jérusalem, (634-638), la formule fut retirée.

En 638 l'empereur Héraclius interdit, par voie de décret, que dorénavant l'on parle "d'une ou de deux activités" du Christ, car "un seul et même Fils unique, notre Seigneur Jésus-Christ a accompli aussi bien le divin que l'humain". Dans son édit, l'empereur poursuit : "Pour éviter de donner l'impression que dans le Christ il y a deux volontés opposées, nous confessons une seule volonté de N.S.J.C., vrai Dieu, car la chair animée par l'Esprit n'a jamais exercé les activités qui lui sont propres de sa propre initiative et en contradiction avec la volonté du Verbe divin, mais seulement lorsque le Verbe divin l'a voulu,

comme il l'a voulu et dans la mesure où il l'a voulu". Avec ce texte, à l'arrière-plan duquel se situe Serge, patriarche de Constantinople, est né le "monothélisme". Si Serge et Héraclius voulaient dire que la liberté humaine de Jésus était toujours un acte du Fils de Dieu et qu'elle était inspirée par sa volonté divine, leur pensée n'était pas contraire à l'orthodoxie. Mais Serge va jusqu'à attribuer le moment de "flottement" de Jésus à l'Agonie, "au mouvement naturel de la chair" et non à la volonté libre de Jésus. Si Serge a raison, le Christ n'a jamais vécu concrètement comme un homme et n'a jamais engagé sa liberté humaine. Mais alors son humanité n'est pas complète et il n'est pas vraiment solidaire avec nous. La passion elle- même n'était donc pas non plus acceptée par l'acte volontaire d'un homme libre s'engageant par obéissance. (Affaire du Pape Honorius : Serge envoya une lettre au Pape Honorius qui le félicita de sa formule : "Une seule volonté dans le Christ" et se déclara donc d'accord avec le patriarche. Honorius sera condamné par Constantinople III).

Mais SOPHRONIUS de Jérusalem et MAXIME LE CONFESSEUR, moine d'origine grecque installé en Afrique (Carthage)

discernèrent que le monothélisme consistait à trahir la visée profonde de Chalcédoine. Si la liberté humaine de Jésus n'est qu'un instrument passif de sa volonté divine, alors Jésus-Christ n'a pas assumé ce qui dans l'homme est précisément le lieu de la révolte et de l'obéissance envers Dieu.

Ces théologiens alertèrent l'Église romaine. Durant le synode romain de 649, le Pape Martin Ier fit adopter les formules rédigées par Maxime le Confesseur, définissant l'existence de deux volontés intimement unies du seul et même Christ, la divine et l'humaine, puisque, par l'une et par l'autre, il a opéré notre salut. Ainsi le synode approuva une formule qui s'ajoute sous forme de complément à la définition de Chalcédoine et s'intercale entre l'élément 16 et 17.

"[Et de même que nous confessons] ses deux natures unies sans confusion ni division, de même aussi [nous confessons] deux volontés propres aux natures, la divine et l'humaine, ainsi que deux opérations naturelles, la divine et l'humaine, en vue de confirmer parfaitement et sans omission que le même et unique, Jésus-Christ Notre Seigneur et Dieu, est vraiment par nature Dieu parfait et homme parfait - à l'exception du seul péché - et qu'ainsi il voulait et opérait en même temps divinement et humainement notre salut". (DzS 500).

D'autres canons concernent les deux opérations et les deux volontés, notamment le canon 10.

"Si quelqu'un ne confesse pas selon les saints Pères, en un sens propre et véritable, deux volontés du seul et même Christ Dieu, étroitement unies, la divine et l'humaine, puisque selon chacune de ses deux natures il était, par nature, à même de vouloir notre salut, qu'il soit anathème". (DzS 501 ; F.C. 341).

Le concile de 649 valut au Pape Martin Ier l'exil à Constantinople et finalement la mort après des sévices (655). Maxime le Confesseur subit un long procès et d'horribles mutilations et mourut en 662.

Le Pape Agathon (678-81) tint à Rome un synode (en 680) qui rédigea une confession de foi : celle-ci répète que dans le Christ il y a deux natures, donc deux volontés naturelles et deux opérations naturelles, chacune faisant en communion avec l'autre ce qui lui appartient. (DzS 548).

Le Concile de Constantinople III

Le Concile de Constantinople III se tint de novembre 680 à septembre 681 (in Trullo = dans la salle du dôme). Après avoir renouvelé la condamnation des anciennes hérésies christologiques et prononcé l'excommunication des chefs du monothélisme et de ses protecteurs (dont 5 patriarches : Serge, Pyrrhus, Paul et Pierre de Constantinople et le Pape Honorius) (DzS 550-552), le concile adopte une confession christologique qui rappelle la définition de Chalcédoine et proclame les deux volontés du Christ.

"Conservant dans sa totalité ce qui est sans confusion ni division, nous proclamons le tout de façon concise : croyant que l'un de la Trinité est, après l'Incarnation, notre Seigneur Jésus-Christ, notre vrai Dieu, nous disons qu'il y a deux natures rayonnant dans son unique hypostase, dans laquelle, tout au long de son existence selon l'économie, il a manifesté ses

souffrances et ses miracles, non pas en apparence, mais en vérité, la différence des natures en cette seule et même hypostase étant reconnue à ce que l'une et l'autre opère ce qui lui est propre en communion avec l'autre. Ainsi nous proclamons deux

volontés et deux opérations naturelles concourant ensemble au salut du genre humain". (DzS 558).

Mais avant cette conclusion si ferme se trouve un passage de justification explicative qui ne manque pas d'intérêt.

"De même nous proclamons qu'il y a en lui deux volontés ou deux vouloirs naturels et deux opérations naturelles sans division, sans changement, sans partage et sans confusion : nous proclamons que les deux vouloirs naturels ne sont pas,

comme le disent les hérétiques impies, opposés l'un à l'autre, loin de là, mais que son vouloir humain est subordonné, qu'il ne résiste pas et ne s'oppose pas, mais se soumet plutôt au vouloir divin et tout-puissant. Il fallait que la volonté de la chair fût mue et fût soumise au vouloir divin selon le très sage Athanase. De même que sa chair est dite la chair du Dieu Verbe et qu'elle l'est, de même le vouloir naturel de sa chair est dit le vouloir propre du Dieu Verbe et il l'est comme lui-même le

déclare : 'Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté du Père qui m'a envoyé' (Jn 6,38). Il déclare sien le vouloir de sa chair, puisque la chair est devenue sienne. Car de même que sa chair toute sainte, immaculée et animée, n'a pas été supprimée en étant divinisée, mais qu'elle est demeurée dans son état et dans sa manière d'être, de même sa volonté humaine divinisée n'a pas été supprimée". (DzS 556).

Portée théologique du Concile de Constantinople III

Comme le Concile de Constantinople III reprend des formulations provenant du Pape Saint Léon et signifiant, selon

certains, que la nature humaine pouvait être considérée comme un principe d'opération actif = sujet propre et indépendant, il fallait préciser que l'unique personne (divine) est identique à sa nature divine - qu'elle est de toute éternité - d'une autre manière qu'elle ne l'est à sa nature humaine, à laquelle elle s'est identifiée par grâce "pour nous et pour notre salut".

Ainsi les Pères brisaient un schéma qui suscitait des réticences et qui, au gré de certains, allait dans le sens du nestorianisme. En même temps ils rejetaient une conception trop statique de la nature humaine de Jésus. En s'incarnant, le Fils éternel assume l'humanité dans sa propre filiation. Mais tout n'est pas déjà réalisé au moment de l'incarnation, car l'existence du Christ révèle que la volonté et l'activité humaines subsistent même si cette volonté est sanctifiée et divinisée par la personne du Verbe. La nature humaine du Christ reste soumise à un processus dynamique selon des lois de croissance et d'accomplissement propres.

Le Concile de Constantinople III a donc essayé de faire droit à ce qui est devenir historique pour le Verbe incarné qui actualise dans un devenir humain une existence de Fils, dans une liberté humanisée sa liberté de Fils qui accepte de s'assujettir aux servitudes de la condition humaine.

DÉVELOPPEMENTS DE LA THÉOLOGIE DE L'ESPRIT : LA QUESTION DU FILIOQUE

Alors que les Orientaux s'en tiennent au symbole de Nicée-Constantinople, les Occidentaux ont introduit dans ce symbole le Filioque à propos de la procession du Saint-Esprit : cette précision occidentale a été vivement contestée par les Orientaux.

Jalons de l'évolution

Deux tendances

Les Pères latins préféraient la formule de coordination "du Père et du Fils", les Pères grecs la formule de subordination "du Père par le Fils".

TERTULLIEN, à la vérité, emploie les deux formules, mais il explique parfois la formule de coordination au sens de la formule de subordination. Dans le traité Adversus Praxean, il dit : "Je ne fais pas venir l'Esprit d'ailleurs que du Père par le Fils" (Adv. Prax. 4). Ailleurs il déclare : "Le troisième est l'Esprit, procédant de Dieu (le Père) et du Fils, de même que le

troisième venant de la racine est le fruit, procédant du rejeton". (Ibid., 8). SAINT HILAIRE, sous l'influence des Grecs, emploie la formule de subordination : "De toi (le Père) procède par lui (le Fils) ton Esprit Saint" (De Trinitate, 12,56). SAINT AMBROISE enseigne que le Saint-Esprit, s'il procède du Père et du Fils, n'est séparé ni du Père ni du Fils (mais il est question de l'économie) (De Spiritu Sancto, 1,120). SAINT AUGUSTIN prouve que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils (ex utroque = de l'un et de l'autre) dans ses Commentaires de l'Écriture et dans son traité De Trinitate. Augustin développe son argumentation à partir du thème de l'amour réciproque et exerce une influence décisive.

Du côté des Pères Grecs, DIDYME D'ALEXANDRIE, saint ÉPIPHANE DE SALAMINE et saint CYRILLE D'ALEXANDRIE emploient, mais non exclusivement, la formule de coordination. Les autres, notamment les Cappadociens, privilégient la formule "Du Père par le Fils" : cependant saint BASILE a aussi des expressions qui vont plutôt dans le sens de la formule de coordination.

Addition du Filioque en Espagne

L'insistance sur le Filioque s'explique par la lutte contre le priscillianisme d'une part, contre l'arianisme d'autre part ; si le priscillianisme est de tendance modaliste, l'arianisme, tel qu'il est professé par les Wisigoths installés en Espagne, considère l'Esprit comme une créature du Fils, le Fils étant lui-même inférieur au Père. Progressivement émerge la formule

"Paracletus a Patre Filioque procedens", dont la visée est d'affirmer à la fois la consubstantialité de l'Esprit du Père avec le Père et le Fils et la pleine divinité du Fils : en soulignant le rôle du Fils pour la procession de l'Esprit, on entendait affirmer que le Fils n'était pas inférieur au Père. Le Filioque joue un certain rôle lors du concile de Tolède de 589 dans la confession de foi du roi Reccarède et est introduit officiellement dans le symbole de Constantinople à l'occasion du synode de Braga en 675.

Au VIIe siècle, le Pape MARTIN I employa la formule de coordination dans une lettre aux Orientaux : il en résulta une vive

controverse. Mais MAXIME LE CONFESSEUR (oriental) intervint pour expliquer que les Occidentaux se sont appuyés sur les témoignages des Pères, notamment sur Cyrille d'Alexandrie, qu'ils savent fort bien que le Fils n'est pas la cause (aitia) de l'Esprit, le Père étant la source unique du Fils et de l'Esprit, et qu'en affirmant la procession "par lui", ils ont voulu insister sur l'unité et l'identité de l'essence divine.

Usage du symbole avec l'addition

D'Espagne, le symbole avec l'addition du Filioque passa d'abord en Angleterre, puis fut introduit en Gaule par Alcuin venu de York en 782. Lorsqu'en 787, au concile de Nicée II qui canonisa le culte des icônes, le patriarche Taraise professa qu'il croyait en l'Esprit Saint qui procède du Père par le Fils, Charlemagne protesta auprès du Pape Hadrien Ier qui répondit que la doctrine de Taraise était conforme à la foi des Pères. En 794, Charlemagne réunit un synode à Francfort pour réagir contre le Concile de Nicée de 787 et proclamer la nécessité de l'addition du Filioque : Un autre concile se réunit à Frioul (Vénétie).

Mais le Pape Léon III prit la défense de la pratique des Grecs et refusa l'addition du Filioque. Par ailleurs, à Jérusalem, des moines francs récitaient le symbole avec le Filioque. Les Orientaux réagirent vigoureusement et s'adressèrent au Pape.

L'empereur réunit un nouveau concile à Aix-la-Chapelle (809) pour confirmer l'usage du Filioque. Le Pape Léon III se déclara d'accord pour la doctrine, mais refusa l'adjonction du Filioque au Credo. Il fit même graver le texte latin et grec du symbole traditionnel, sans la mention du Filioque, sur deux cartouches d'argent fixées à l'entrée de la Confession de Saint- Pierre. C'est seulement sous Benoît VIII, en 1014, qu'à Rome, fut usité le symbole avec l'addition du Filioque.

Polémique avec le Patriarche Photius

Devenu patriarche de Constantinople en 858, PHOTIUS mène une campagne pour dénoncer l'adjonction du Filioque et pour faire admettre que le Saint-Esprit procède seulement du Père. Photius part de l'idée que les personnes divines se distinguent entre elles par des propriétés personnelles incommunicables. Il suffit de caractériser les personnes par leurs propriétés : le Père est "anarchos" = sans principe, le Fils est "gennètos" = engendré, le Saint-Esprit procède (ekporeuetai) du Père qui est la cause (aitia). La monarchie du Père est le principe de l'Esprit et du Monogène et le principe de leur consubstantialité.

Mais alors que les Pères grecs présentent cette monarchie selon un schéma rectiligne et dynamique - "du Père par le Fils" - Photius adopte un schéma à deux branches : Père - Fils et Père - Esprit.

Photius écarte ou néglige les nombreux textes des Pères qui parlent d'un rôle du Fils dans la procession éternelle de l'Esprit. Pour Photius, les Latins, en affirmant que le Père et le Fils sont l'unique principe de l'Esprit, attribuent la procession à la nature commune et la retirent aux hypostases ; mais l'Esprit possède la même nature, donc il procéderait de lui-même, ce qui est irrecevable.

En fait, les Latins font la distinction des personnes à partir de l'opposition de relations : or la spiration (d'où procède l'Esprit) ne crée pas d'opposition entre le Père et le Fils comme la génération : la spiration peut donc leur être commune. La nature n'existe qu'hypostasiée et les hypostases sont constituées par les relations subsistantes : le Père est la Paternité, le Père est Principe premier, l'Esprit procède de lui "principaliter". Augustin notamment avait déjà cherché à préciser le rôle du Père et du Fils dans la procession de l'Esprit. Selon lui, le Fils est co-principe pour la procession de l'Esprit, mais cette faculté, le Fils la tient du Père, si bien que le Père est "principium principaliter", le Fils est "principium de principio" : en fait, l'Esprit procède du Père "principaliter".

Tentative d'accord : Le concile de Florence (1439)

Des efforts en vue de rétablir la communion ont été tentés. Le plus important est celui du concile de Florence (1439).

La discussion porta essentiellement sur le sens à donner à "procession". À la lumière des textes patristiques, des propositions visant le rapprochement furent faites. Les Grecs prirent en compte le texte de Maxime le Confesseur, attestant que les Latins reconnaissaient une seule cause du Fils et de l'Esprit, à savoir le Père. On rappela les textes des Pères Latins montrant que le Filioque allait dans le même sens que le "par le Fils" cher aux Grecs. De même on avançait des textes des Pères grecs qui allaient dans le sens du "Filioque". Un accord se fit sur l'équivalence (possible) entre le "Filioque" et le "par le Fils". En fait, la formule d'accord ne fut pas "reçue" par l'Église d'Orient pour des raisons politiques et aussi théologiques. Au lieu d'insister sur l'équivalence, il aurait mieux valu insister sur la complémentarité.

Conclusion

En guise de conclusion, voici quelques réflexions concernant la question fondamentale posée par l'événement Jésus-Christ et

quelques éléments pour une proposition de solution.

La question fondamentale

Au terme de ce parcours historique et réflexif, il est légitime de se demander quelle est la signification profonde de l'événement Jésus-Christ et dans quelle mesure cet événement peut nous atteindre dans notre être profond.

La tradition catholique a toujours tenu à rappeler la portée rédemptrice de la mort du Christ et elle a entendu rester fidèle au dogme de Chalcédoine relatif à l'unité de la personne en deux natures. Elle a aussi enseigné indéfectiblement les effets de la rédemption dans le traité sur la grâce. Ce que l'on peut lui reprocher, c'est d'avoir dissocié un peu artificiellement des traités qui sont liés entre eux et d'avoir opté, pour des raisons historiques, pour une présentation statique et ontologique du mystère du Christ. La tradition orthodoxe a été plus sensible à la splendeur de la divinité qui éclate en Jésus-Christ, mais n'a jamais oublié la mort rédemptrice : quant aux effets de la rédemption, cette tradition a toujours montré le côté positif de l'œuvre salvifique à travers la doctrine de la divinisation. Cette présentation du mystère du Christ est aussi plutôt statique et ontologique. Par contre, les confessions protestantes ont eu tendance à souligner le thème du "Christus pro me". La définition de Chalcédoine est reçue, mais la priorité absolue accordée à l'Écriture fait que les présentations protestantes sont sensibles à tout ce qui concerne les fonctions du Christ, à ce que l'on appelle la christologie fonctionnelle.

Convient-il d'opposer de façon radicale la christologie fonctionnelle à la christologie statique et ontologique ? Suffit-il de dire que les fonctions du Christ sont celles de Prophète, Roi, Prêtre ou que le Christ est Messie et Sauveur ? Il semble que non. En effet aussi bien la dogmatique protestante que la dogmatique catholique évitent de pratiquer le langage unilatéral que l'on veut leur prêter. En dernier recours, on est amené à se demander à quel titre Jésus peut remplir ces fonctions et à quel degré il faut le situer par rapport à d'autres prophètes, rois ou prêtres.

Or le message chrétien prétend pouvoir annoncer que Jésus est le Prophète eschatologique, le Roi eschatologique, le Sauveur eschatologique, le Messie en qui s'accomplissent les promesses de façon définitive. Comment dès lors le destin singulier de Jésus peut-il revêtir ce caractère définitif et acquérir cette valeur universelle ? Telle est la question à son premier niveau.

Mais affirmer que le Christ est le Sauveur eschatologique, c'est affirmer qu'en lui et par lui s'opère la rencontre entre Dieu et l'homme. Mais cette rencontre ne doit pas rester une sorte de face-à-face, sans communication possible, entre Dieu et l'homme séparés malgré tout par la distance infranchissable résultant de la transcendance de Dieu. Si vraiment, à en croire les textes scripturaires, le salut eschatologique consiste dans la vie en union avec Dieu, dans la participation à la plénitude de Dieu, il faut bien que cette différence puisse être surmontée. Comment est-ce possible ? La théologie classique y répond que c'est en Jésus-Christ qui est l'Homme-Dieu, il est le Médiateur. Mais une certaine présentation du mystère de l'Incarnation fait naître l'impression qu'en Jésus-Christ les deux natures sont juxtaposées et non pas vraiment unies. À force d'insister sur la différence radicale entre les deux natures, on en arrive à situer au niveau intrachristologique la césure insurmontable entre la divinité et l'humanité. Comment dès lors est-il possible que la nature divine rencontre réellement la nature humaine, aussi bien dans le cas de l'union hypostatique que dans le cas de l'union entre Dieu et l'homme ? Quelles sont, d'après l'Écriture, les données qui permettent d'affirmer que la nature humaine est capable d'être unie à la nature divine, sans être absorbée et sans être simplement juxtaposée ? Telle est la question à son deuxième niveau.

Esquisse d'une réponse

La réponse aux questions soulevées exige que l'on distingue deux points de vue et elle sera faite en fonction de la catégorie de filiation.

Du côté de Dieu

Dans un premier temps, il s'agit de comprendre la possibilité d'une relation authentique à partir de Dieu. La transcendance de Dieu n'interdit-elle pas d'envisager pareille relation ? La métaphysique héritée des Grecs semble aller dans ce sens comme immuable et impassible, avec une essence si parfaite qu'elle ne saurait entrer en contact avec une essence inférieure. Mais la Bible invite à dépasser une métaphysique de type essentialiste. Au fond, la pensée moderne, même si elle a été tout d'abord exploitée à des fins antichrétiennes, peut rendre d'appréciables services. En effet, cette pensée met l'accent sur la subjectivité et permet ainsi de mieux exploiter les représentations bibliques du Dieu-amour. Si Dieu est liberté dans l'amour, il sera porté à se communiquer librement au nom de l'amour. L'amour crée en Dieu un espace pour l'autre. L'amour du Père se porte

d'abord sur le Fils. Mais dans le Fils, le Père reconnaît de toute éternité les hommes comme fils. Dans le Fils, le Père est de

toute éternité Père pour les hommes : c'est là un des aspects de la préexistence du Fils auprès du Père et de la prédestination des hommes à l'élection. KARL BARTH a puissamment orchestré ce thème. Si Dieu est libre dans son amour, cela signifie aussi qu'il y a place dans l'éternité pour le temps de l'homme. L'éternité n'est pas seulement absence de limitation dans le temps, elle est aussi seigneurie du temps et elle fait que le temps humain peut avoir un sens et du poids. Or c'est en Jésus- Christ que Dieu manifeste visiblement son amour et sa volonté d'autocommunication à l'homme.

Du côté de l'homme

Existe-t-il du côté de l'homme une disposition à entrer en relation avec Dieu ? La théologie patristique a mis à l'honneur les thèmes de l'homme image de Dieu et de la vie de l'homme en communion avec Dieu. La théologie médiévale a développé le thème de la grâce qui élève la nature et s'est attachée à montrer que l'homme trouve un accomplissement dans la grâce qui met l'homme à même de connaître un épanouissement auquel il ne peut pas prétendre au nom de ses propres forces : cette ouverture de l'homme à recevoir la grâce qui lui permet une sorte de dépassement est souvent rattachée à la notion de

"puissance obédientielle". La théologie contemporaine a repris ces données en les reliant à des considérations provenant de courants philosophiques récents : par exemple la dimension de la transcendance inscrite dans l'action humaine, comme l'a montré Maurice BLONDEL, ou la nécessité de la relation avec l'autre comme l'ont établi les philosophes acquis au personnalisme et soucieux de dépasser un individualisme fait de repliement sur soi-même et de prétention à une sorte d'aséité. À partir de ces données, K. RAHNER a élaboré son anthropologie transcendantale.

La catégorie de filiation

Compte tenu de ces deux séries de considérations, c'est la catégorie de la filiation qui semble la mieux appropriée à rendre compte de l'union entre Dieu et l'homme et du salut apporté par Jésus-Christ.

  1. En ce qui concerne Jésus, l'exégèse récente a mis en lumière la portée des déclarations qui font entrevoir une relation absolument unique entre Jésus et celui qu'il nomme "Abba-Père" et les théologiens sont d'accord pour reconnaître que lesdites déclarations sont parmi les plus éclairantes pour lever un coin du voile qui enveloppe le mystère de Jésus. La réflexion menée dans l'Église primitive à ce sujet s'est vite concrétisée sous la forme du titre : "Fils de Dieu" qui fait partie intégrante des confessions de foi. Si on comprend la filiation divine, non pas uniquement comme consubstantialité, mais comme communion du Fils avec le Père, comme participation du Fils à la puissance et à la sagesse de Dieu, certains passages des évangiles à propos du pouvoir qui a été remis au Fils deviennent plus clairs : dans la communion du Fils avec le Père, toute connaissance et toute force divine sont communiquées au Fils. En tant que Fils de Dieu, le Verbe fait chair rend Dieu présent parmi les hommes ; en lui Dieu-est-là avec sa puissance tutélaire et salvifique. Mais cette catégorie de la filiation qui pour le croyant s'applique tout normalement au Verbe de Dieu concerne aussi l'humanité assumée. En effet, l'existence humaine est à sa façon une existence reçue, une existence communiquée : en dernier recours, Dieu est Père de l'homme qu'il pose dans l'existence et la catégorie de filiation s'applique, de façon analogique, à l'homme. Dans le cas de Jésus-Christ, la relation de filiation joue donc doublement : relation filiale divine et relation filiale humaine. Cependant ce qui réserve des difficultés, c'est que l'existence humaine est soumise à la loi de l'historicité selon laquelle l'être humain se réalise progressivement par les actes de liberté personnelle. Comme tout homme, Jésus lui aussi, au cours de sa vie, est en marche vers la réalisation effective de son être de Fils. La mort sur la croix librement acceptée dans un acte d'obéissance totale représente le sommet de cette relation filiale vécue sur le mode de l'humain et la résurrection est la confirmation que Jésus était bien Fils dans son être et son comportement. Dans l'histoire de Jésus se recouvrent deux composantes, la composante verticale de la filiation divine et la composante horizontale de la filiation vécue selon les lois de l'historicité et c'est en fait la Résurrection qui révèle que Jésus est vraiment Fils.

  2. Dans le cas de l'homme, la catégorie de la filiation permet de mieux comprendre le salut apporté par Jésus-Christ.

Comme nous l'avons indiqué plus haut, l'expérience vécue de l'homme lui fait comprendre que l'existence est quelque chose de reçu. D'autre part, s'il est vrai que le Christ révèle finalement l'homme à lui-même, la catégorie de la filiation est aussi celle qui rend le mieux compte de notre relation authentique avec Dieu. La distinction entre l'expression "mon Père" et

"votre Père" invite sans doute à établir une différence dans le rapport entre Dieu et le Christ d'une part, entre Dieu et les hommes d'autre part. Cependant la relation indiquée est une relation de Père à fils. Jésus peut privilégier ce rapport dans sa prédication, parce que lui-même s'y tient originellement et il veut faire comprendre que c'est le rapport fondamental. Paul a développé le thème dans plusieurs épîtres. Le nouvel être des croyants, selon Paul, est un être dans-le-Christ, un être avec-

le-Christ, ce qui signifie que les chrétiens sont associés au destin même de Jésus par la voie des sacrements. C'est en vertu de la filiation de Jésus que les croyants peuvent appeler Dieu leur Père. C'est l'Esprit qui crie en eux "Abba-Père". Le grand don

eschatologique, d'après Irénée et les Pères, c'est l'adoption filiale qui met l'homme à même de recueillir l'héritage et de

participer aux biens eschatologiques de l'incorruptibilité, de l'immortalité, de la vision de Dieu, du banquet eschatologique. D'ailleurs l'existence de l'homme ne saurait être neutre, on est avec le Christ ou en dehors du Christ, on est fils ou esclave. C'est dire que la vie humaine est placée sous le signe de l'existence filiale.

Corollaires

  1. La catégorie de la filiation permet de mieux comprendre le rapport entre la divinité et l'humanité en Jésus-Christ. Dans l'existence historique du Christ, la relation rattachant l'homme à Dieu comme au principe de son être humain et la relation rattachant le Fils au Père comme au principe de son être divin sont analogiquement du même type et se compénétrent.

  2. Dans la vie humaine de Jésus, le sujet qui agit est le Fils de Dieu. Celui-ci vit en tant qu'homme ce qu'il est en tant que Fils de Dieu : obéissance envers le Père et amour des hommes.

  3. En se communiquant en Jésus, Dieu vise tous les hommes. Dans le Christ, Dieu s'est rendu proche à tous les hommes. Dans le Christ se manifeste la volonté salvifique universelle de Dieu.

  4. La possibilité d'un salut qui ne réside pas uniquement dans une justification extrinséciste, mais qui affecte l'homme dans son être profond est liée à la possibilité de la relation filiale de l'homme avec Dieu : cette relation, en quelque sorte constitutive de l'être humain, met l'homme à même de vivre en union avec Dieu et d'être inséré dans le courant de la vie trinitaire.

  5. Le salut apporté par Jésus-Christ est approprié par l'homme à travers les sacrements et la vie de foi grâce à l'action de l'Esprit.

  6. Quand on parle de l'événement Jésus-Christ et de ses effets salvifiques, il ne faut jamais oublier la dimension trinitaire.

  7. Le titre de Fils de Dieu, compris dans sa dimension ontologique et existentielle, avec ses implications théologiques et anthropologiques, permet de rendre compte des autres titres qui expriment plutôt une fonction. Jésus est en dernier recours le prophète eschatologique, le prêtre eschatologique, le vrai Messie, le Sauveur définitif, parce qu'il est Fils de Dieu au sens défini plus haut.

Documents

LETTRE DU PAPE LÉON À FLAVIEN, ÉVÊQUE DE

CONSTANTINOPLE (TOME À FLAVIEN) - EXTRAITS (Doc. 1)

  1. "Après avoir lu la lettre de Ta Dilection que je m'étonne d'avoir reçue si tard et, après avoir pris connaissance dans leur ordre des actes des évêques, j'ai enfin reconnu quel genre de scandale s'est produit chez vous à l'encontre de

l'intégrité de la foi ce qui auparavant semblait caché s'est montré maintenant à moi à découvert. Eutychès, qui semblait honorable par son titre de prêtre, s'est montré grandement imprudent et gravement inexpérimenté, au point qu'on peut lui appliquer la parole du prophète 'Il n'a pas voulu comprendre pour bien agir : il a médité l'iniquité sur sa couche' (Ps 36,5). Qu'y a-t-il de plus inique que d'entretenir des pensées iniques et de ne pas faire confiance à des gens plus sages et plus doctes ? Mais c'est dans cette folie que tombent ceux qui, en butte à quelque obscurité dans

leur effort pour connaître la vérité, recourent non à la voix des prophètes, ni aux lettres des Apôtres ni à l'autorité des Évangiles, mais consultent leur sentiment propre et deviennent des maîtres d'erreur pour n'avoir point été disciples de la vérité. Quelle connaissance a-t-il en effet acquise des pages sacrées de l'Ancien et du Nouveau Testament, celui qui n'a même pas compris les éléments du symbole de foi. Et ce qui, dans tout l'univers, est professé par la voix de tous

ceux qui aspirent à la régénération n'est pas encore saisi par le cœur de ce vieillard.

  1. Ignorant donc ce qu'il faut comprendre au sujet de l'Incarnation du Verbe de Dieu et ne voulant pas travailler dans le vaste champ des saintes Écritures pour mériter la lumière de l'intelligence, Eutychès aurait dû au moins écouter avec soin la confession commune et uniforme par laquelle l'ensemble des fidèles fait profession de croire en Dieu le Père tout-puissant, et en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur, qui est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie, trois

propositions par lesquelles sont détruites les machinations de presque toutes les hérésies, quand en effet Dieu est cru

tout-puissant et Père, il est démontré en même temps que son Fils est coéternel au Père, dont il ne diffère en rien, puisqu'il est Dieu né de Dieu, tout-puissant né du Tout-puissant, coéternel né de l'Éternel, non postérieur dans le temps, non inférieur en pouvoir, non dissemblable en gloire, non séparé quant à l'essence. Mais d'autre part ce même Fils unique éternel, né d'un Père éternel, 'est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie'. Cette naissance temporelle n'a rien enlevé ni rien ajouté à la naissance divine et éternelle, mais elle s'était faite exclusivement en vue de l'homme qui avait été trompé, pour que le Christ vainquît la mort et détruisît par sa puissance le diable qui jusque-là avait l'empire de la mort. Nous ne pouvions en effet triompher de l'auteur du péché et de la mort si celui que ni le péché ne pouvait

souiller ni la mort retenir, n'avait assumé notre nature et ne l'avait faite sienne. Il a donc été conçu du Saint-Esprit

dans le sein de la Vierge Marie, qui l'enfanta sans perdre sa virginité, tout comme elle conçut sans perdre sa virginité.

Mais si Eutychès ne pouvait puiser à cette source très pure de la foi chrétienne une compréhension non altérée [de la vérité] pour avoir obscurci en lui, à la suite de son aveuglement, l'éclat et la splendeur de la vérité, il aurait dû au moins se

soumettre à la doctrine évangélique. Quand Matthieu dit : 'Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils

d'Abraham' (Mt 1,1), il aurait dû rechercher l'enseignement de la prédication apostolique et quand il lisait dans l'Épître aux Romains 'Paul, serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation, mis à part pour annoncer l'Évangile de Dieu, que d'avance il avait promis par ses prophètes dans les Saintes Écritures, concernant son Fils, issu de la lignée de David selon la chair'

(Rm 1,13), il aurait dû se reporter avec une pieuse sollicitude aux pages des prophètes. (Suit un développement portant sur Gn. 22,18, Gl 3,16, Is 7,44 et 9,6, Lc 1,35)... .

Il ne faut pas comprendre cette génération singulièrement admirable et admirablement singulière comme si la nouveauté de cette création avait fait disparaître les propriétés (caractères) du genre. Certes, le Saint-Esprit a donné la fécondité à une

vierge, mais c'est un corps réel qui a été pris de son corps et la 'Sagesse s'étant bâti une maison' (Pr 9,1), 'le Verbe, s'est fait chair et il a habité en nous' (Jn 1,14), ce qui veut dire dans cette chair qu'il a tirée de l'homme et qu'il a animée du souffle

de la vie rationnelle.

  1. Ainsi donc, les propriétés de l'une et de l'autre nature étant sauvegardées et se rencontrant dans une seule personne, la majesté a assumé l'humilité, la force a assumé la faiblesse, l'éternité la mortalité et, pour payer la dette de notre condition, la nature inviolable s'est unie à la nature passible, en sorte que, comme cela se convenait pour notre guérison, 'un seul et même médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme Jésus-Christ' (1 Tm 2,5) pût mourir selon l'un, et ne pas mourir selon l'autre. C'est donc dans la nature complète et parfaite d'un homme véritable que le vrai Dieu est né, complet dans ce qui lui est propre, complet dans ce qui nous est propre. Par 'ce qui nous est propre', nous comprenons la condition dans laquelle le créateur nous a établis à l'origine et qu'il a revêtue en vue de la restaurer,

car de ce que le Trompeur a apporté et que l'homme trompé a accepté, il n'y a dans le Sauveur aucune trace. Ce n'est pas parce qu'il a eu en partage nos faiblesses, qu'il a participé à nos fautes. Il a assumé la forme de l'esclave sans la

souillure du péché, exaltant ce qui est humain, mais ne diminuant pas ce qui est divin, parce que l'abaissement radical par lequel l'invisible s'est rendu visible et par lequel le Créateur et Maître de l'univers a voulu être l'un des mortels, est l'effet de sa miséricorde et non d'un manque de puissance. Par conséquent, celui qui, demeurant dans sa forme divine, a fait l'homme, s'est fait homme dans la forme de l'esclave.

En effet l'une et l'autre nature conservent sans perte leurs propriétés et tout comme la forme de Dieu n'a pas fait disparaître la forme d'esclave, de même la forme d'esclave n'a pas diminué la forme de Dieu, Parce que le diable se glorifiait de ce que l'homme, trompé par sa ruse, était privé des dons divins, que, dépouillé du don de l'immortalité, il subissait la dure sentence de la mort, que, dans ses malheurs, il avait trouvé une sorte de consolation du fait d'avoir un compagnon dans la prévarication, que finalement Dieu, au nom des exigences de la justice, avait changé sa propre sentence envers l'homme qu'il avait établi dans une telle dignité, il était nécessaire que, par la dispensation d'un dessein secret, le Dieu immuable, dont le vouloir ne peut être privé de sa bienveillance complétât la première dispensation de son amour à notre égard par un mystère encore plus caché et que l'homme, qui avait été entraîné à la faute par la tromperie inique du diable, ne pérît pas

contrairement au plan de Dieu.

  1. Ainsi le Fils de Dieu entre dans cette partie la plus basse du monde, descendant de son trône céleste, sans néanmoins abandonner la gloire du Père, venu au monde selon un nouvel ordre par une nouvelle génération ; un nouvel ordre,

car invisible dans sa condition il devient visible dans la nôtre, incompréhensible il voulut être compris, lui qui subsiste avant le temps il a commencé d'être dans le temps, lui qui est Seigneur de toutes choses, il a assumé la condition

d'esclave en voilant l'immensité de sa majesté, lui qui est Dieu impassible il n'a pas dédaigné d'être homme passible, lui qui est immortel, il n'a pas dédaigné de se soumettre aux lois de la mort. Une nouvelle naissance : car une

virginité inviolée qui n'a pas connu la concupiscence a fourni la matière de la chair. De sa mère le Seigneur a pris la nature humaine, mais non la faute [originelle] ; et dans le cas de notre Seigneur Jésus-Christ, né du sein d'une Vierge, si la naissance est admirable, il ne s'ensuit pas que sa nature est différente de la nôtre. Et le même qui est vrai Dieu

est aussi vrai homme. Et dans cette unité il n'y a pas de mensonge, car l'humilité de l'homme et la sublimité de la

divinité entretiennent des relations mutuelles entre elles. De même que Dieu n'est pas changé par sa miséricorde, de même l'homme n'est pas absorbé par la majesté. Chacune des deux formes fait en communion avec l'autre ce qui lui est propre, le Verbe faisant ce qui est du Verbe et la chair effectuant ce qui est de la chair. L'un resplendit par ses miracles, l'autre succombe sous les outrages. Et de même que le Verbe garde l'égalité de gloire avec le Père, de même la chair n'abandonne pas la nature de notre race. Car c'est un seul et le même, ainsi qu'il faut le répéter souvent, qui est vrai Fils de Dieu et vrai Fils de l'homme : Dieu, parce que 'au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu' (Jn 1,1), homme parce que 'le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous' (Jn 1,14) : Dieu, parce que 'tout a été fait par lui et sans lui rien n'a été fait' (Jn 1,3), homme par le fait 'qu'il est né d'une femme, né sujet de la Loi' (Gal 4,4). La nativité charnelle est la manifestation de la nature humaine, l'enfantement d'une

vierge est le signe de la puissance divine. Avoir faim, avoir soif, être fatigué et dormir relèvent à l'évidence de l'humain, mais nourrir cinq mille hommes avec cinq pains, donner à la Samaritaine de l'eau vive qui étanche à jamais la soif de celui qui la boit, marcher sur la surface de la mer sans que les pieds s'enfoncent, aplanir les vagues en

adressant des invectives à la tempête, tout cela relève sans équivoque de la divinité...

  1. En raison de cette unité de la personne qu'il faut comprendre en deux natures, on lit que le Fils de l'homme est descendu du ciel, alors que c'est le Fils de Dieu qui a assumé une chair tirée de la Vierge Marie dont il est né et, d'un autre côté, aussi que le Fils de Dieu a été crucifié et enseveli alors qu'il n'a pas souffert cela dans la divinité même

par laquelle il est coéternel et consubstantiel au Père, mais bien dans l'infirmité de la nature humaine. Il s'ensuit que nous confessons tous dans le même le symbole que le Fils unique de Dieu a été crucifié et enseveli, selon ce mot de

l'apôtre : 'S'ils avaient su, ils n'auraient jamais crucifié le roi de gloire' (1 Cor 2,8). Quand notre Seigneur et Sauveur cherchait à instruire la foi de ses disciples en leur demandant : 'Au dire des gens, qui suis-je, moi le Fils de l'homme ?' (Mt 16,13) et que les disciples lui eurent rapporté les diverses opinions des autres, il posa la question : 'Et vous, qui

dites-vous que je suis ?' - Moi, c'est-à-dire moi qui suis fils d'homme, que vous voyez dans la condition d'esclave et

dans la vérité de la chair, qui dites-vous que je suis ? -, alors le bienheureux Pierre, divinement inspiré et destiné par sa confession à rendre service à toutes les nations, répondit : 'Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant' (Mt 16,16). C'est non sans raison qu'il a été proclamé bienheureux par le Seigneur et qu'il a tiré de la pierre angulaire (qui est le Christ) la solidité du pouvoir et du nom, lui qui, par une révélation du Père, a confessé le même comme Fils de Dieu et comme Christ, car recevoir l'un de ces deux sans l'autre n'était d'aucune utilité pour le salut et il était également

dangereux d'avoir cru que notre Seigneur Jésus-Christ était ou bien Dieu seulement sans l'homme ou bien homme seulement sans Dieu..."

LA PROFESSION DE FOI DU CONCILE DE

CHALCÉDOINE, Ve session - 22 octobre 451 (Doc. 2)

Préambule

"Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, affermissant en ses disciples la connaissance de la foi, a dit : Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix (Jn 14.27), afin que nul ne soit en désaccord avec son prochain en ce qui concerne les doctrines de la piété et que la proclamation de la vérité se fasse pour tous dans des conditions égales. Mais comme le 'Mauvais' ne

cesse de faire croître son ivraie pour étouffer les semences de piété et trouve toujours quelque nouveauté à opposer à la vérité, Dieu, mettant en œuvre selon son habitude, sa providence en faveur du genre humain, a suscité le zèle de ce pieux et très croyant empereur et a fait venir de partout à lui-même les chefs du sacerdoce, de façon à ce que, sous l'opération de la grâce de Notre Maître le Christ, toute la peste du mensonge fût éloignée des brebis du Christ et que celles-ci fussent

engraissées des pousses de la vérité. C'est ce que nous avons fait, car, par une sentence commune, nous avons condamné les doctrines de l'erreur, renouvelé (réaffirmé) la foi des Pères qui ne dévie pas, proclamant à tous le symbole des trois cent dix- huit (Pères de Nicée) et ayant inscrit comme nos propres pères les Pères qui ont approuvé ce symbole de la foi, à savoir les cent cinquante qui, s'étant réunis après cela dans la grande ville de Constantinople, ont ratifié eux aussi la même foi. Nous acceptons aussi l'ordre et les formulations de foi du saint concile réuni naguère à Éphèse, dont les chefs ont été les Pères de sainte mémoire Célestin de Rome et Cyrille d'Alexandrie et nous définissons que l'exposé de foi des trois cent dix-huit saints et bienheureux Pères réunis à Nicée sous l'empereur Constantin de pieuse mémoire doit figurer en tête, jetant un vif éclat sur la foi correcte et irréprochable et que doivent prévaloir les décisions prises par les cent cinquante Pères (de Constantinople) en vue de supprimer les hérésies qui s'étaient manifestées à l'époque et en vue de confirmer la même foi catholique et

apostolique que celle qui est encore la nôtre."

Suit le texte complet du symbole de Nicée, puis du symbole de Constantinople. Et le concile poursuit :

"Le symbole sage et salutaire dû à la grâce divine aurait été suffisant pour la connaissance complète et pour l'affermissement de la piété ; en effet il donne un enseignement parfaitement approprié au sujet du Père, du Fils et du Saint-

Esprit et présente une idée juste de l'incarnation du Seigneur à ceux qui la reçoivent avec foi. Mais puisque ceux qui

s'efforcent de rejeter la proclamation de la vérité ont inventé, au nom de leurs propres erreurs, des expressions vides de sens, les uns ayant eu la présomption de défigurer l'économie du Seigneur et de refuser l'emploi de l'expression Theotokos pour désigner la Vierge, les autres ayant introduit la confusion ou le mélange (des natures) et ayant imaginé la sotte

doctrine qu'il n'y a qu'une seule nature formée de la divinité et de l'humanité et proférant l'incroyable mensonge que la

nature divine du Fils unique est devenue passible par le mélange (des natures), pour toutes ces raisons et dans l'intention de mettre fin à toutes leurs machinations contre la vérité, le présent saint et grand concile œcuménique, enseignant la foi

proclamée sans changement depuis les origines a décidé que, avant tout, la foi des 318 Pères (de Nicée) doit rester à l'abri de toute atteinte. Et ce concile confirme et ratifie l'enseignement transmis, au sujet de l'ousie du Saint-Esprit, par les 150

Pères réunis plus tard dans la cité impériale (de Constantinople) à cause des pneumatomaques, enseignement que ces Pères ont fait connaître à tous, non qu'ils voulussent introduire un élément nouveau comme s'il manquait quelque chose à ce qui précède, mais parce qu'ils voulaient rendre claire, grâce au témoignage des Écritures, leur pensée au sujet du Saint-Esprit contre ceux qui tentaient de rejeter sa Seigneurie. D'autre part, à cause de ceux qui essayent d'altérer le mystère de

l'économie et qui déclarent, dans leurs impudentes divagations, que Celui qui est né de la Sainte Vierge Marie n'est qu'un

simple homme, le concile a adhéré aux lettres synodales du bienheureux Cyrille, pasteur de l'Église d'Alexandrie, adressées à Nestorius et aux évêques d'Orient comme aptes à réfuter les insanités de Nestorius et à clarifier la pensée de ceux qui,

poussés par le zèle de la piété, désirent connaître le sens du symbole salutaire. À ces lettres le concile adjoint à bon droit, pour la confirmation des doctrines orthodoxes, la lettre du très bienheureux et du très saint archevêque Léon, qui préside à la très grande Rome l'aînée, lettre qu'il a écrite à l'archevêque Flavien, de pieuse mémoire, en vue de l'extirpation des

erreurs d'Eutychès, parce que cette lettre est conforme à la confession du grand Pierre et qu'elle est comme une colonne commune contre ceux qui défendent des opinions fausses. En effet ce concile s'oppose à ceux qui cherchent à diviser le

mystère de l'économie en une dualité de Fils, il exclut de l'assemblée des prêtres ceux qui osent déclarer passible la divinité du Fils unique, il résiste à ceux qui imaginent un mélange ou une confusion à propos des deux natures dans le Christ, il

rejette ceux qui, dans leur extravagance, affirment que la forme d'esclave que le Christ a prise chez nous est de nature céleste ou de quelque autre substance (différente de la nôtre), il anathématise ceux qui répandent cette fable des deux natures du Seigneur avant l'union et n'en imaginent plus qu'une seule après l'union.

Définition

"En suivant donc les saints Pères, nous enseignons tous unanimement à confesser un seul et même Fils notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait selon la divinité, et le même parfait selon l'humanité, vraiment Dieu et le même vraiment homme, composé d'une âme raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à

nous selon l'humanité, en tout semblable à nous hormis le péché, engendré du Père avant tous les siècles selon la divinité, le même à la fin des temps, pour nous et pour notre salut (engendré) de la Vierge Marie, Theotokos, selon l'humanité, un seul et même Christ, Fils, Seigneur, monogène, reconnu en deux natures, sans confusion ni changement, sans division ni séparation, la différence des natures n'étant nullement supprimée par l'union, mais au contraire les propriétés de chacune

des deux natures restant sauves et se rencontrant en une seule personne et une seule hypostase, non pas partagé et divisé en deux personnes (prosôpa), mais un seul et même Fils, Monogène, Dieu, Verbe, Seigneur Jésus-Christ, comme autrefois les prophètes l'ont dit de lui, comme Jésus-Christ lui-même nous en a instruits, et comme le Symbole des Pères nous l'a

transmis."

Sanctions

"Tous ces points ayant donc été déterminés avec toute l'exactitude et tout le soin possibles à partir de sources provenant de toute part, le saint concile œcuménique a défini qu'il n'est permis à personne de proférer ou de rédiger une autre foi ou de proposer ou enseigner ou transmettre un autre symbole à ceux qui veulent se tourner vers la connaissance de la vérité en

quittant le paganisme, le judaïsme, ou quelque hérésie que ce soit, s'ils sont évêques ou clercs, sont exclus de l'épiscopat, s'il sont évêques, de la cléricature, s'ils sont clercs ; s'ils sont moines ou laïcs ils sont anathématisés".

IIe CONCILE DE CONSTANTINOPLE (Doc. 3)

Canons

  1. "Si quelqu'un ne confesse pas qu'il y a deux naissances du Verbe de Dieu, l'une avant les siècles, du Père,

intemporelle et incorporelle, l'autre, aux derniers jours, du même [Verbe de Dieu] qui, descendu du ciel, a pris chair de Marie, la sainte et glorieuse Mère de Dieu toujours vierge, et est né d'elle, qu'il soit anathème.

  1. Si quelqu'un dit que l'union du Dieu Verbe avec l'homme s'est effectuée selon la grâce ou selon l'opération ou selon l'égalité d'honneur ou selon le pouvoir ou selon la relation ou le rapport ou la puissance ou selon la bienveillance,

comme si l'homme avait plu au Dieu Verbe du fait que celui-ci aurait eu de lui une grande et haute opinion, comme le dit Théodore en ses divagations ; au selon l'homonymie, par laquelle les Nestoriens, appelant le Dieu Verbe 'Jésus et Christ' et l'homme pris à part 'Christ et Fils', parlent à l'évidence de deux personnes (prosôpa), alors qu'ils feignent

de parler d'une seule personne et d'un seul Christ uniquement pour des raisons d'appellation, d'honneur, de dignité ou d'adoration ; mais s'il ne confesse pas que l'union du Dieu Verbe avec la chair animée par une âme raisonnable et

pensante s'est effectuée selon la composition ou selon l'hypostase, comme l'ont enseigné les saints Pères, et qu'il nie par conséquent qu'il n'a qu'une seule hypostase, qui est notre Seigneur Jésus-Christ, un de la Trinité, qu'il soit anathème.

Comme cette union a été pensée de différentes façons, les sectateurs de l'impiété d'Apollinaire et d'Eutychès, prenant parti

pour la disparition de ce qui se rencontre, enseignent une union par confusion et les sectateurs de Théodore et de Nestorius, prenant plaisir à la division, introduisent une union de relation. La sainte Église de Dieu, rejetant l'impiété de ces deux hérésies, confesse l'union du Dieu Verbe avec la chair selon la composition, c'est-à-dire, selon l'hypostase. En effet, cette union par composition dans le mystère du Christ conserve non seulement sans confusion ce qui se rencontre, mais encore n'admet pas de division.

  1. Si quelqu'un disant 'en deux natures', ne confesse pas que notre unique Seigneur Jésus-Christ est reconnu dans la

divinité et dans l'humanité, afin de signifier par là la différence des natures à partir desquelles l'union indicible s'est effectuée sans confusion, si bien que le Verbe ne s'est pas transformé dans la nature de la chair et que la chair n'est pas passée dans la nature du Verbe, car l'un et l'autre demeurent ce qu'ils sont par nature, même après que l'union selon l'hypostase s'est effectuée, mais s'il prend cette expression au sens de division en parties dans le mystère du Christ, ou si, confessant la pluralité des natures dans le seul et même, notre Seigneur Jésus-Christ, Dieu Verbe incarné, il pose, non pas seulement en théorie, la différence des principes dont il est constitué et que l'union ne

supprime pas (car l'unique [et même] est de deux et deux sont par l'un), mais s'il utilise la pluralité pour avoir chacune des deux natures séparée, avec sa propre hypostase, qu'il soit anathème.

  1. Si quelqu'un, confessant que 'l'union s'est faite de deux natures, de la divinité et de l'humanité' ou 'une seule nature (physis) incarnée du Dieu Verbe', ne l'entend pas comme l'ont enseigné les saints Pères, à savoir que de l'union selon l'hypostase qui est réalisée à partir de la nature divine et de la nature humaine est résulté un seul Christ, mais si par ces expressions, il s'efforce d'introduire une seule nature ou essence de la divinité et de la chair du Christ, qu'il soit anathème.

Car en disant que le Verbe Fils unique s'est uni selon l'hypostase à la chair, nous n'affirmons pas qu'il a eu une confusion

quelconque des deux natures entre elles, mais nous pensons plutôt que le Verbe s'est uni à la chair dans des conditions telles que chacune des natures reste ce qu'elle est. C'est pourquoi unique est le Christ, Dieu et homme, le même consubstantiel au Père selon la divinité, le même consubstantiel à nous selon l'humanité. L'Église de Dieu rejette et anathématise de la même manière ceux qui établissent une séparation ou une division en parties et ceux qui introduisent une confusion dans le

mystère de la divine économie du Christ."

Indications bibliographiques

Sources

A.J. Festugière, Éphèse et Chalcédoine. Actes des Conciles, Coll. Textes dossiers, documents, Paris, Beauchesne, 1982. A.J. Festugière, Actes du Concile de Chalcédoine. Sessions III-IV (La définition de la foi), Préface H. Chadwick, Genève, Patrick Cramer, 1982.

Th. Camelot, Éphèse et Chalcédoine, Coll. Histoire des Conciles œcuméniques, Paris, Orante, 1962 ; réédit. chez Fayard,

2006.

Acta Conciliorum Oecumenicorum, éd. E. Schwartz, T.I Cc. Ephesinum, (431), vol 1-5 ; T. II Cc. Chalcedonense (451), vol 1-6, Strasbourg-Berlin, Trübner, 1914. G. Alberigo (dir.), Les conciles œcuméniques. 1. L'Histoire ; 2. Les Décrets. De Nicée à Latran V ; 2e Les Décrets. De Trente à Vatican II, Paris, Cerf, 1994.

Études

A. Grillmeier, Le Christ dans la tradition chrétienne. Le Concile de Chalcédoine (451) : réception et opposition, Coll. Cog. fid. 154, Paris, Cerf, 1990 ; Le Christ dans la tradition chrétienne. L'Église de Constantinople au VIe siècle, Coll. Cog. fid. 172 ; Le Christ dans la tradition chrétienne. L'Église d'Alexandrie, la Nubie et l'Éthiopie après 451, Coll. Cog. fid. 192.

Grillmeier-Bacht (édit), Das Konzil von Chalkedon, 3 vol. Würzbourg, Echter Verlag, 1951-1954. Voir notamment : Th. Camelot, De Nestorius à Eutychès. L'opposition de deux christologies, T.I, p. 213-242 ; P. Galtier, Saint Cyrille d'Alexandrie et saint Léon le Grand à Chalcédoine, p. 345-387 ; I. Ortiz de Urbina, Das Syntol von Chalkedon, p. 389-418 ; Ch. Moeller, Le Chacédonisme et le néochalcédonisme en Orient de 451 à la fin du VIe siècle, p. 637-720 ; K. Rahner, Chalkedon - Ende oder Anfang ?, T. III, p. 349 ; B. Welte, Homoousios hémin, T. III, p. 50-80. J. Liebaert, L'incarnation I. Des origines au

Concile de Chalcédoine Coll. Histoire des dogmes T II, 1 a, Paris, Cerf, 1966. "Visages du Christ", Numéro spécial

Recherches de Science Religieuse, Paris, 1977, (notamment les articles de R. MARLE, B. SESBOÜE). A. DE HALEEUX, "La définition christologique de Chalcédoine", dans Revue Théologique de Louvain, 1976. J.M. Carriere, "Le mystère de Jésus-Christ transmis par Chalcédoine", dans Nouvelle Revue Théologique, 1979, n° 3. A. Riou, Le monde et l'Église selon Maxime le Confesseur, Coll Théologie historique, Paris, Beauchesne, 1973. F.M. Lethel, Théologie de l'agonie du Christ. La liberté humaine et son importance sotériologique mises en lumière par saint Maxime le Confesseur, Coll. Théologie historique, Paris, Beauchesne,1979. R. Winling, La Résurrection et l'Exaltation du Christ, Paris, Cerf, 2000.

Articles divers dans Dictionnaire de Théologie Catholique, Lexikon für Theologie und Kirche, Religion in Geschichte und Gegenwart.

Initiation à la pratique de la théologie t. II (bibliogr). Y. Congar, Je crois en l'Esprit Saint, T. III. L. Bouyer, Le Consolateur, Paris, Cerf, 1980. P. Evdokimov, L'Esprit Saint dans la tradition orthodoxe, Paris, Cerf, 1969.

On se reportera essentiellement à la Collection Jésus et Jésus-Christ (dir. Doré), Paris, Desclée. Les 90 ouvrages publiés à ce jour témoignent de l'extraordinaire diversité de la christologie contemporaine. La collection offre aussi des ouvrages plus synthétiques, comme, entre autres, les n° 75 et 90.

On consultera aussi la riche collection Cogitatio fidei, Paris, Cerf, qui publie régulièrement, depuis des dizaines d'années, des ouvrages de recherche nouvelle en christologie.

Les éditions Fayard rééditent actuellement, sous la direction de G. Dumeige, l'Histoire des conciles œcuméniques publiée dans les années 1960 par les éditions de l'Orante. Cette collection historique est particulièrement indiquée pour notre étude. Une partie des 13 tomes prévus est déjà parue et disponible en librairie, notamment les quatre premiers qui concernent notre cours :

I. Nicée et Constantinople (en 324 et 381), par I. Ortiz de Urbina II. Éphèse et Chalcédoine (en 431 et 451), par P.-Th. CAMELOT III. Constantinople II et III (en 553 et 680-681), par F.-X. MURPHY et P. SHERWOOD IV. Nicée II (en 787), par G. DuMEIGE